Ou comment répondre aux besoins de sobriété dans la construction
En ces temps de crises, de nombreuses pénuries nous obligent (enfin) à repenser la manière d’atteindre nos objectifs environnementaux. Le mouvement low-tech s’interroge depuis longtemps sur la possibilité d’une transition de notre modèle de consommation actuel vers un modèle davantage fondé sur la production d’énergies renouvelables.
Selon la note de la fabrique écologique, le concept des low-tech (par opposition aux high-tech), est défini comme étant « une démarche visant, dans une optique de durabilité, à questionner nos besoins réels et à développer des solutions aussi faiblement technologisées que possible, minimisant l’énergie requise à la production et à l’usage, utilisant le moins possible de ressources / matériaux rares et n’infligeant pas de coûts cachés à la collectivité ». [1]
Le modèle de consommation actuel repose à l’échelle mondiale à 85 % sur une consommation d’énergies fossiles. Si, à l’avenir, il bascule sur un réservoir énergétique pratiquement infini, il ne s’agira cependant pas de produire de l’énergie mais bien de la convertir (à partir du rayonnement solaire, du vent, des marées, de la biomasse, etc.) en recourant à de nouveaux outils industriels inévitablement hyper consommateurs en ressources non renouvelables diverses : minerais et métaux, terres rares, béton, énergies fossiles, etc.
Si on ne doute pas que le soleil puisse tenir ses promesses, on se demande si nous aurons assez de cuivre ou de lithium, etc. pour en faire des kWh utiles. Aujourd’hui, nous ne disposons d’aucun moyen renouvelable de faire du renouvelable : nos métaux, nos panneaux solaires, nos éoliennes mais aussi nos panneaux isolants ou nos gites en bois sortent toutes de filières industrielles désespérément fossiles…
Vers une croissance limitée ?
Le mouvement low-tech s’inscrit donc dans une analyse qui cherche à anticiper les impacts (éventuellement diaboliques) qui pourraient résulter d’un enthousiasme technologique rempli de bonnes intentions (faire advenir un monde renouvelable) mais déconnecté du monde réel et de ses limites. Il reprend le sillon d’études prestigieuses et controversées (entre autres le Rapport Meadows, commandé par le Club de Rome et qui, dès 1972, avait attiré l’attention des citoyens du monde sur les limites de la croissance) opposant le désir d’une croissance économique illimitée au caractère fini des ressources de la planète. A cette époque naissait l’écologie politique.
Réalisée par le MIT (réputée être parmi les meilleures universités du monde), le rapport Meadows se penchait sur la résilience du système économique mondial et en tirait des projections pour le XXIe siècle. Fortement critiqué et discrédité pendant longtemps (un peu comme les travaux du GIEC l’ont été jusqu’en 2009), le Rapport Meadows [2] a fêté ses 50 ans en 2022. Ses résultats sont à présent jugés assez conformes à l’évolution de nombreux indicateurs environnementaux issus de ces 40 dernières années (CO, pollution, population, etc.).
En 2009, débarquait le concept des 9 plafonds environnementaux [3] permettant de déterminer si des limites planétaires ont été franchies, auquel cas cela menacerait directement le fonctionnement des écosystèmes et indirectement l’avenir de l’humanité. Aujourd’hui, six de ces neuf limites sont déjà dépassées. Entre autres, le CO2 qui contribue au dérèglement climatique, la surproduction d’azote et de phosphore (liées au système techno-agroindustriel) qui empoisonnent nos eaux de surface et, surtout, la perte catastrophique de biodiversité [4] résultant du surdéveloppement des systèmes industriels (pollution, urbanisation, déboisement, agriculture d’exportation, etc.).
Intégrer les énergies renouvelables
Dans ce paysage complexe où les priorités font désormais l’objet de consensus scientifiques (sinon politiques…), il est nécessaire de prendre en considération un paramètre de second rang : les réserves non renouvelables nécessaires au développement des technologies vertes. Cette perspective illustre particulièrement bien notre position et celle de tout promoteur d’une approche passive.
En effet, dans le secteur de la construction, nous savons que l’efficacité énergétique d’un bâtiment repose d’abord et avant tout sur sa compétence à conserver l’énergie par des moyens passifs et ainsi d’éviter les pertes au maximum (conception solaire, isolation, étanchéité et récupération d’énergie). Ces moyens passifs sont généralement considérés comme low-tech : conception bioclimatique, éléments de construction (paroi, matériau isolant, etc.).
On est donc loin de l’univers des satellites, des nanoparticules ou de l’internet des objets. Et pourtant… Mais prenons garde aux faux-amis de la performance énergétique qui voudraient souvent la doper à coups d’innovations technologiques. D’autant plus que le concept de Nearly Zero Energy Buildings (NZEB) deviendra Zero Energy Buildings (ZEB) dès 2030 pour les bâtiments neufs [5].
Nous savons que, pour y arriver, la conservation passive de l’énergie ne suffit dès lors plus : des technologies d’énergie renouvelable deviennent nécessaires ! Et, sur papier, on ne mesure pas nécessairement les implications environnementales d’un petit calcul d’équilibre énergétique qui vous suggère d’installer quelques dizaines de m² de capteurs solaires…
Avec les énergies renouvelables, c’est le mix énergétique du futur que le low-tech interroge. En effet, nos consommations d’électricité n’ont fait qu’augmenter ces cinquante dernières années, à la mesure de l’équipement progressif des ménages et des entreprises en applications électriques et électroniques.
[1] https://www.lafabriqueecologique.fr/app/uploads/2019/04/Note-31-Low-Tech-VF-1.pdf
[2] https://podcast.ausha.co/dernieres-limites/prologue-dennis-meadows
[3] Changement climatique, acidification des océans, couche d’ozone, dégradation des forêts, pollution agrochimique, surconsommation d’eau douce, pollution atmosphérique, déchets toxiques et perte de biodiversité
[4] Voir aussi le Rapport Planète Vivante 2016, WWF, https://wwf.be/fr/living-planet-report-2016/
[5] https://energy.ec.europa.eu/topics/energy-efficiency/energy-efficient-buildings/nearly-zero-energy-buildings_en
Pour en savoir plus, nous vous conseillons quelques articles :
- https://www.ecoconso.be/fr/content/low-tech-definition-principes-et-exemples
- https://lowtechnation.com/low-tech/
- https://auvio.rtbf.be/media/declic-le-tournant-declic-le-tournant-lheure-des-low-tech-3028827
- https://www.rtbf.be/article/decouverte-de-la-low-tech-la-technologie-durable-11208970
Et cette BD sur le thème spécifique de la rénovation low-tech :
Dans le cadre du festival Low-tech, Arthur Keller viendra s’exprimer lors d’une conférence exceptionnelle ayant pour intitulé : “Préparer les territoires aux risques inédits de notre temps”.
Arthur Keller est spécialiste des vulnérabilités des sociétés industrielles et des stratégies de résilience. Il a notamment participé à la note de la Fabrique écologique citée dans l’article ci-dessus.
Sa conférence se tiendra au B3 à Liège le 20 octobre prochain à 17h!
Retrouvez toutes les infos dans notre agenda : Conférence Arthur Keller